Le divorce pour faute toujours d’actualité : la notion de faute à la loupe
Le divorce pour faute est sûrement le plus emblématique des divorces. La réforme introduite par la loi du 26 mai 2004 a laissé courir le bruit que ce type de divorce n’existait plus. En réalité, cette loi a surtout cherché à supprimer les conséquences spécifiques de ce fondement du divorce et ne l’a donc pas modifié en soi.
Les conditions
Elles sont définies par les articles 242 à 246 du Code civil. Les conditions n’ont pas réellement changé à l’exception de la suppression de l’article 243 qui visait le cas d’une condamnation à une peine afflictive ou infamante.
La définition générale de la faute est maintenue : il faut remplir deux conditions, librement appréciées par les juges :
- une violation grave ou renouvelée des obligations du mariage, imputable au conjoint,
- cette violation rendant intolérable le maintien de la vie commune.
Comment le Juge aux Affaires Familiales apprécie-t-il cette notion de faute ?
Les fautes admises sur ce fondement sont très nombreuses et diversifiées. Le Juge doit en effet apprécier la gravité des faits pour savoir s’il est possible de maintenir la vie commune ou non.
Les principaux devoirs du mariage dont la violation constitue une faute :
La notion d’obligation ou de devoir du mariage est entendue largement. Ce sont tous les devoirs nommés par les articles 212 et suivants du Code civil. Les plus souvent invoqués sont les suivants :
Le devoir de respect : par exemple des violences conjugales ou une attitude insultante de la part d’un époux envers l’autre,
Le devoir de cohabitation (sauf si le conjoint a quitté le domicile conjugal suite aux violences qu’il ou elle subissait), qui s’étend à une communauté de lit (l’absence de relations sexuelles pouvant être considéré comme une faute),
Le devoir de contribuer aux charges du mariage : il s’agit de l’hypothèse où l’un des époux garde tout son salaire pour ses dépenses personnelles et ne participe pas aux charges du ménage,
Le devoir d’assistance : si un époux subit des difficultés professionnelles ou familiales, ou encore s’il est malade, et que son conjoint ne le soutient jamais pendant ces épreuves difficiles, un tel comportement peut constituer une faute.
Par ailleurs, le Juge peut parfois retenir que certains comportements excessifs peuvent être qualifiés de fautes. Il en est ainsi de la pratique excessive d’une religion, d’un sport, imposée à sa famille et à son époux, ou encore de cas d’alcoolisme ou de tabagisme addictifs.
Quelques exemples concrets de jurisprudence récente pour un meilleur éclaircissement
Des disputes réciproques et des violences verbales intenses peuvent constituer un manque de respect mutuel et donc justifier un divorce aux torts partagés (Cass. Civ. 1 ère, 23 mai 2006).
Une attitude tendancieuse d’un mari ayant des relations extra-conjugales homosexuelles et une tendance à se travestir peut constituer une faute (CA ORLEANS, 24 février 2009).
La faute peut être également constituée par des faits postérieurs à la séparation du couple mais antérieurs au prononcé du divorce. La Cour de Cassation a rappelé que les devoirs du mariage demeurent jusqu’au prononcé du divorce. Ainsi, partir avec sa maîtresse en week-end de la Saint-Valentin postérieurement à la séparation d’avec son épouse constitue une faute (Cass. Civ. 4 mai 2011).
De même, une Cour d’Appel a considéré qu’un mari doit soutenir sa femme contre sa fille, sinon il manque à son devoir d’assistance au sens de l’article 212 du code civil (CA METZ, 17 avril 2007). La solidarité conjugale doit donc être plus importante que toute autre forme de solidarité familiale.
Une Cour d’Appel a également retenu que la conception d’un enfant décidée par la mère seule peut constituer une cause du divorce (CA NIMES, 21 mars 2007). Dans ce cas précis, l’époux ne désirait plus d’enfant compte tenu du traumatisme qu’il avait vécu suite au décès de deux précédents enfants. Les juges ont donc ici considéré que le comportement de l’épouse constituait un manquement au devoir de loyauté.
La pratique excessive de la religion a pu valablement être considérée comme une faute. En effet, l’impact croissant et excessif de la pratique religieuse de l’époux sur la vie du couple et la cristallisation de l’époux sur ses positions religieuses avaient créé dans son foyer une atmosphère pesante de contrainte et de soumission permanente qui ne pouvaient que perturber l’exercice de la vie quotidienne de la famille (Cass. Civ. 1ère, 19 juin 2007)
Rendre inhabitable le domicile conjugal par le fait d’avoir beaucoup trop d’animaux au domicile constitue une faute (Cass. Civ 1ère, 23 février 2011).
Quand les deux époux exercent des activités professionnelles concurrentes et que l’un a un comportement gravement déloyal envers l’autre, alors cela constitue une faute (Cass. Civ 1ère, 17 octobre 2007).
La preuve de la faute se fait par tous moyens dès lors que le mode de preuve est licite. Ce peut être par des documents écrits, correspondances, témoignages ou même un constat d’huissier du moment que la preuve n’est pas frauduleuse. Par exemple un enregistrement visuel ou une conversation téléphonique du conjoint à son insu ne sera pas admis.
Le Juge aux Affaires Familiales apprécie librement le comportement reproché et le qualifie de faute. Il n’existe donc aucun fait qui contraigne le Juge à prononcer le divorce (Attention ! l’adultère est une faute qui peut conduire au divorce mais ce n’est plus une cause automatique de divorce, Cass. Civ 1ère 28 janvier 2009). De façon générale, le Juge se contente rarement d’un seul grief. L’époux demandant le divorce devra alors chercher à établir plusieurs fautes afin de convaincre le Juge.
Source : http://www.village-justice.com/
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