Divorce et prestation compensatoire : critères d'évaluation de la prestation compensatoire
Par quatre arrêts du 6 octobre 2010, la Cour de cassation rappelle des solutions éprouvées en matière de prestation compensatoire.
■ Critères d'évaluation. Selon l’article 271 du Code civil, la prestation compensatoire « est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ». Le texte énumère ensuite un certain nombre de critères, non limitatifs, devant être pris en compte pour évaluer la prestation compensatoire.
L'un des arrêts (n° 09-12.718) revient sur le premier d'entre eux : la durée du mariage. En l'espèce, une femme, déboutée de sa demande de prestation compensatoire, reprochait aux juges du fond de ne pas avoir pris en compte de la durée de la vie commune antérieure à la célébration du mariage. Son argumentation est rejetée, la Cour rappelant que « pour apprécier l’existence du droit de l’un des époux à bénéficier d’une prestation compensatoire et pour en fixer le montant, le juge ne doit pas tenir compte de la vie commune antérieure au mariage mais peut prendre en considération la durée de la vie commune postérieure à la célébration du mariage » (v. déjà, pour la prise en compte de la vie commune postérieure au mariage, Civ. 1re, 16 avr. 2008 ; 1er juill. 2009 ; v. égal., pour l'absence de prise en compte de la vie commune antérieure, Civ. 1re, 16 avr. 2008). Conforme à la lettre de l’article 271, la solution signifie donc que le fait que les époux aient vécu ensemble avant leur mariage est sans incidence sur la fixation de la prestation compensatoire.
Un autre arrêt (n° 09-10.989) concerne un autre critère d'évaluation : les droits prévisibles des époux. La Cour de cassation y rappelle que la vocation successorale ne constitue pas un droit prévisible au sens des articles 270 et 271 (v. déjà, en application des art. 270, 271 et 272 anciens, Civ. 1re, 21 sept. 2005). La solution se justifie principalement par le caractère aléatoire de cette dernière. C'est ce qui fait dire à la Cour, dans un autre arrêt (n° 09-15.346), que le versement à l’épouse d’une pension de réversion en cas de prédécès du mari n’est pas davantage un droit prévisible.
Enfin, la Cour rappelle (n° 09-12.718) que les prestations destinées aux enfants, qui ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux, n’ont pas à être prises en compte dans l’appréciation de la disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux (v. déjà, Civ. 2e, 3 déc. 1997).
■ Attribution. Une fois les éléments de fixation réunis, le juge doit encore décider de son attribution sous forme de capital, en principe, ou, exceptionnellement, de rente viagère, cette dernière pouvant être retenue, conformément à l’article 276, lorsque « l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permettent pas de subvenir à ses besoins ». Dans l'un des arrêts (n° 09-15.346), la Cour de cassation approuve ainsi les juges du fond d’avoir motivé l'attribution d'une rente viagère par l'âge de l'épouse (65 ans) et son absence d'activité et de qualification professionnelles.
La Cour se prononce enfin (n° 09-12.731) sur l’interprétation retenue par les juges du fond de la convention par laquelle le mari s’était engagé à verser à son ex-épouse une prestation compensatoire sa vie durant, tout en précisant qu’elle cesserait en cas de remariage ou de concubinage de celle-ci. Arguant de cette dernière situation, l'intéressé avait cessé tout versement, et sollicitait la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par son ex-épouse. La difficulté venait ici de ce que, si cette dernière avait un temps vécu en concubinage, cette situation avait cessé : fallait-il considérer que le versement de la prestation compensatoire avait simplement été interrompu ou que celle-ci avait définitivement cessé d’être due ? Les juges du fond sont ici approuvés en ce qu'ils ont retenu la première branche de l'alternative, solution favorable au créancier. La Cour rejette le grief de dénaturation soulevé par le demandeur, après avoir vérifié qu’une interprétation de la convention était nécessaire (art. 1156 s. C. civ.), compte tenu de son ambiguïté.
Civ. 1re, 6 oct. 2010, n° 09-15.346, F-P+B+I (855)
Civ. 1re, 6 oct. 2010, n° 09-10.989, F-P+B+I (864)
Civ. 1re, 6 oct. 2010, n° 09-12.718, F-P+B+I (865)
Civ. 1re, 6 oct. 2010, n° 09-12.731, F-P+B+I (866)
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